jeudi 26 juillet 2007

Lettre D - Dorothée - (part 1/3)

Dorothée était assise sur le rebord du lit.

Il était fait avec des draps rouges qui dessinaient de larges volutes dans lesquelles elle semblait se baigner, le sourire aux lèvres.

Elle avait des cheveux bouclés et mi longs qui retombaient avec négligé sur sa frêle nuque en des entrelacements blonds ; ils ployaient avec douceur sur les draps en bataille. Elle avait un corps délicat de verre soufflé, un rien aurait suffit pour le briser. Elle avait un corps fin de petit ange charmant. Dorothée se mit sur le dos et croisa les bras sur sa poitrine, comme une morte. Elle avait des jambes très maigres qu’elle enterrait d’habitude sous de larges pantalons. Les hommes se laissaient avoir par ce déguisement enfantin car il ne leur faut pas grand chose. Elle ferma les yeux et le noir vint vite, elle se laissa flotter dans une obscurité qui ne la mena nulle part. Elle ouvrit les yeux avec paresse et regarda d’un air morne autour d’elle, sans prêter attention aux choses qui l’entouraient. Les choses ne lui envoyèrent aucun signal de vie. Les choses ne parlaient pas, ne parleront pas, jamais.

Elle avait une peau claire mais légèrement mate, on ne voyait pas les veines s’agiter sous sa fine surface. Elle avait des yeux bleus au fond desquels flottait le cauchemar trouble d’un naufrage ou peut être le souvenir d’une ville noyée dans le blanc silencieux d’un jour d’hiver.

On devrait apercevoir une âme palpiter au fond de ce regard mais l’on ne voyait rien. Juste une étendue incolore, brumeuse et muette. Elle ne savait peut être même pas qu’elle avait un regard. Elle ne se regardait d’ailleurs plus très souvent, depuis une certaine nuit.

Elle posa les yeux sur Jean-Jacques qui dormait à côté d’elle. Il avait un début de calvitie et, sous d’épars cheveux fins, on voyait la peau rose de son crâne. Jean-Jacques était un grand corps rose.

Il était affalé à plat ventre sur le lit, et l’on voyait son ventre remonter et s’abaisser à chaque inspiration. Jean-Jacques était médecin, et n’avait pas le temps de s’occuper de son corps. Il prenait du poids et sa femme ne cessait de le lui répéter chaque jour avec un ton de reproche voilé dans la voix. Elle allait deux fois la semaine prendre des cours de tennis avec ce si charmant moniteur, comment s'appelait il déjà ?

La peau rose de Jean-Jacques fit sourire Dorothée d’un sourire indéfinissable. Elle aimait Jean-Jacques. Il lui avait évité de sérieux problèmes l’année dernière.

Dorothée avait essayé d’avorter par ses propres moyens. Elle avait été retrouver sans connaissance dans les toilettes du foyer ou elle avait été placée, une longue aiguille à tricoter entre les jambes.

Elle avait été emmenée aux urgences ou Jean-Jacques lui avait sauvé la vie et avait retiré l’aiguille. Il lui parla des sirènes qui criaient dans la nuit, des lumières qui éclairaient son visage blême. Il l’avait trouvé belle . Elle avait un visage serein. Elle flottait dans un monde froid et éthéré. Jean-Jacques avait attendu l’ambulance dehors et la pluie battait son visage.

Dorothée avait bien aimé Jean-Jacques, il était gentil. Elle lui avait permit de la revoir.

Bientôt Jean-Jacques vînt souvent chez Dorothée. Elle travaillait la nuit, quelque part, et vivait dans un petit meublé de banlieue. Un soir ils couchèrent ensembles. Jean-Jacques s’était penché trop près à table. Il se mit à aimer Dorothée, avec sincérité. Il trouvait entre ses bras l’amour que la mère de ses enfants était incapable de lui donner.

Dorothée se leva et se dirigea avec lenteur vers la salle de bains. La douche dura longtemps. Lorsque elle revint, Jean-Jacques avait disparu.