dimanche 8 juillet 2007

Lettre C - Chantal (part 1/3)

Elle entra dans la pièce et s'assit sur la chaise que l'un des deux hommes avança vers elle.

Il ne lui offrit pas le moindre sourire. Elle prit son temps. Elle ne voulait pas froisser sa jupe. Il fallait faire très attention. Il la regarda lentement s'assoir. Elle s'exécuta avec grâce. Il lui laissa ses affaires, un petit sac à main de couleur jaune, et rejoignit l'autre homme qui cherchait quelque chose dans un coin obscur de la pièce. Il la regarda du coin de l'œil mais elle ne bougea pas.

Elle était blonde ou autre chose. Elle portait son long corps souple comme un bijou. On s'y brûlait. Elle avait l'air très à l'aise et pas l'ombre d'une hésitation ou d'un doute apparaissait sur son petit visage fermé.

Les deux hommes prenaient leur temps. Elle commença à balancer une de ses jambes. Elle ne le faisait pas pour les allumer. Elle le faisait surement comme ça, histoire de faire quelque chose. Elle ne s'en rendait même pas compte. L'ingénuité a de ces grâces qui touchent les plus belles. Le bout de sa chaussure, dans un mouvement imperceptible, traversait l'air immobile de la pièce. Elle trouva que celle-ci sentait un peu le renfermé. Il aurait fallu ouvrir la fenêtre. Elle pensa qu'elle l'aurait fait si cette pièce lui avait appartenu car elle détestait l'odeur âcre des lieux clos. Elle trouva les deux hommes bien peu attentifs à ces détails. On comprenait qu'ils n'étaient pas chez eux.

Elle était sereine et attendait que cela se passe. Il y eût quelques bruits dans une salle voisine et des pas dans le couloir. Les deux hommes s'étaient assis. Elle se mit à parler tout de suite. Un téléphone sonna. Alors elle s'interrompit puis reprit. La voix de la jeune femme chantait quelque part dans la hauteur des basses. Les hommes, attentifs, ne bougeaient plus.

" Je lui avais dit que j'allais à l'Opéra. On donnait la Flute Enchantée. Vous comprenez, j'adore Mozart. Je ne sais pas si vous le connaissez, mais en tous cas il en vaut la peine."

Elle se tut un instant, toussa, et reprit.

"Je n'étais pas allée me divertir depuis longtemps et j'avais vraiment envie de sortir. Vous êtes déjà allés à l'Opéra Garnier ? C'était un des bâtiments préférés de mon mari. Les gens jugent mal de tout et préfèrent sans doute un monument historique laid à pleurer. Ils sont vraiment insupportables. J'y suis allée seule. Mon mari m'a souhaité de bien m'amuser. J'étais allée chez le coiffeur l'après-midi. Vous comprenez, bien sur. Oui, c'est évident. Tout le monde sait ça, n'est ce pas ? Je vois que vous êtes informés, cela me rassure, il y a quand même des gens qui font leur travail. Bref, je suis descendue par l'escalier et ai croisé la concierge. J'ai appelé un taxi avec mon téléphone portable. Oui ? Ca aussi ? J'étais seule. Je suis descendue devant l'Opéra et suis allé récupérer mes tickets. Il y avait une foule impossible aux guichets."

Une sonnerie de téléphone sonna à nouveau.